À la fin de mes études, j’ai enseigné pendant une quinzaine d’années dans une classe ordinaire, puis, par choix personnel, j’ai été en charge d’un poste auprès d’enfants en difficulté d’apprentissage. L’institution se préoccupe de ces élèves qui, malgré une importante différenciation de l’enseignement, malgré des aides personnalisées en classe, des adaptations du programme, ne suivent pas le niveau d’apprentissage du groupe et se trouvent en danger de redoublement. Des postes « d’appui pédagogique » apportent à ces enfants une aide plus spécifique qui devrait leur permettre de rejoindre le niveau moyen de la classe. Je me suis rapidement aperçue que j’abordais un nouveau métier.
Ma première constatation a été qu’il est parfaitement stérile de redonner à ces élèves le même modèle de leçon qui leur a été présenté dans la classe. Si un élève n’a pas pu comprendre la matière enseignée dans le grand groupe, il n’y parvient pas non plus dans un petit groupe. Il y a parfois un phénomène d’indiscipline, de distraction due au nombre d’enfants présents qui péjore l’apprentissage et qui se résout quand les conditions de travail sont plus calmes. C’est une rare cause des difficultés d’apprentissage. Quand le facteur « distraction due au groupe » est éliminé, il en reste suffisamment d’autres, relevant de la matière elle-même, de la didactique, de la pédagogie, de la relation interpersonnelle, des stratégies d’apprentissage, etc., qui sont à prendre en considération de façon spécifique.
Dans ce nouveau métier je devais employer de nouvelles manières de faire passer le message. La plupart du temps, faire « plus de la même chose » s’avère inutile. Chacun, maître ou élève, se sent enfermé dans son impuissance, qui à se faire comprendre, qui à comprendre. Cela nous amène presque fatalement à ce genre de répliques :
« Ça fait dix fois que je te répète la même chose. Fais donc un effort pour comprendre ! »
Ma deuxième constatation a été que ce qui dépannait l’un n’aidait pas forcément l’autre. Non seulement je devais proposer une démarche différente de celle que mes élèves avaient rencontrée dans leur classe, mais encore je devais proposer une démarche différente pour chaque enfant, pour chaque difficulté. Enfin, ma troisième constatation a été que ce que j’avais appris de la pédagogie, applicable aux situations d’enseignement, ne suffisait plus dans les situations de remédiation. Je savais enseigner, mais je ne savais pas comment mon enseignement était reçu par mes élèves. Je devais m’interroger sur ce qui constitue la démarche d’apprentissage, ce qui se passe dans un cerveau qui accueille une nouvelle information et la fait sienne. J’avais besoin de nouveaux outils, j’avais besoin de comprendre comment ces difficultés se mettent en place, j’avais à découvrir le monde des stratégies d’apprentissage.